Série APOKALUPSIS

   «L’apocalypse de Saint Jean» est un texte fondateur qui m’a depuis fort longtemps fasciné. Cette magnifique poésie remplie à la fois d’images sublimes, de multiples significations, d’une symbolique puissante des nombres et d’un ésotérisme lyrique m’a donné envie d’en livrer une interprétation personnelle et actuelle.

  Actuellement de nombreuses prédictions catastrophistes nous assaillent et troublent notre vision de l’avenir. Je suis très sensible à cette «ambiance» de fin du monde mise en scène par des médias de tous types. 

  Je n’ai, malgré tout, pas voulu succomber à la facilité de visions spectaculaires actuelles. 

  J’ai plutôt choisi des images personnelles et des références artistiques qui m’étaient chères, à savoir la série des quinze xylographies (gravures sur bois) réalisées par l’immense artiste allemand Albrecht Dürer en 1497-98 illustrant certains passages de l’Apocalypse de Jean.

 J’ai choisi quatre de ces gravures que j’ai reproduites dans un style personnel sur chacun des panneaux.

                                                                                   

 Pour faire résonner ces images je les ai mises en conflit avec des photographies personnelles représentant des fragments de corps féminins partiellement souillés et liés par des bandelettes. Evocation d’une souffrance ou peut-être d’une libération... 

                                                        

 En outre, j’ai repris plus particulièrement les passages de Saint Jean traitant des quatre Cavaliers de l’Apocalypse que Dürer a également représenté dans la gravure la plus célèbre de la série.

                                                                                         

Apocalypse (6,1-8) :

 Et ma vision se poursuivit. Lorsque l’Agneau ouvrit le premier des sept sceaux, j’entendis le premier des quatre Vivants crier comme d’une voix de tonnerre : « Viens ! » Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval blanc ; celui qui le montait tenait un arc ; on lui donna une couronne et il partit en vainqueur, et pour vaincre encore.

 Lorsqu’il ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième Vivant crier ; « Viens ! » Alors surgit un autre cheval, rouge-feu ; celui qui le montait, on lui donna de bannir la paix hors de la terre, et de faire que l’on s’entr’égorgeât ; on lui donna une grande épée.

 Lorsqu’il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième Vivant crier : « Viens ! » Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval noir ; celui qui le montait tenait à la main une balance, et j’entendis comme une voix, du milieu des quatre Vivants, qui disait : « Un litre de blé pour un denier, trois litres d’orge pour un denier ! Quant à l’huile et au vin, ne les gâche pas ! » 

 Quand il ouvrit le quatrième sceau, j'entendis la voix du quatrième être vivant qui disait : Viens. Je regardai, et voici parut un cheval d'une couleur verdâtre. Celui qui le montait se nommait la mort, et le séjour des morts l'accompagnait.

 Alors, on leur donna pouvoir sur le quart de la terre, pour exterminer par l’épée, par la faim, par la peste, et par les fauves de la terre.

Eléments de lecture de la série

  Ces quatre visions m’ont fourni la structure de ma série, à savoir quatre panneaux distincts, quatre couleurs spécifiques et quatre fléaux que j'ai associés à quatre photographies personnelles et à quatre gravures de Dürer.

Les liens entre les images sont parfois aussi de l'ordre de l'analogie formelle.

APOKALUPSIS 1                         

     

«...Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval blanc...» 

Couleur blanche

Conquête et purification

Photographie représentant une femme se cachant les yeux aveuglée par une lumière intense

Gravure représentant la chute des étoiles

                                    

                            APOKALUPSIS 2                    

    

«...Alors surgit un autre cheval, rouge-feu...»

Couleur rouge

Guerre

Photographie représentant une femme ayant les mains entravées dans le dos

Gravure représentant les quatre anges de l’Euphrate qui avaient pour mission d’exterminer    

le tiers des hommes.

                                                                          APOKALUPSIS 3                   

    

«...Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval noir...»

Couleur noire

Famine

Photographie représentant une femme cachant ses seins

Gravure représentant le combat de Saint Michel contre le Dragon.                                     

                                                      APOKALUPSIS 4                                                        

     

«... et voici parut un cheval d'une couleur verdâtre...»

Couleur verte

Peste

Photographie représentant une femme se tenant le ventre

Gravure représentant le Dragon à sept têtes et la bête aux cornes d’agneau.                       

                         

  Cliquer sur les détails ci-dessus pour mieux appréhender les techniques utilisées

 

A Propos du concept "Apokalupsis"

  Etymologiquement, le mot grec apokalupsis signifie littéralement «révélation», «dévoilement». Il nous a donné le mot apocalypse. 

  Le verbe grec apokaluptô, signifie, «révéler», «dévoiler», littéralement «ôter le voile»,»ouvrir les rideaux» pour voir ce qu'il y a derrière. 

  C'est le geste que nous faisons le matin en tirant les rideaux. C'est le geste des élus qui dévoilent une stèle ou une œuvre d'art et c'est le geste qui tire le rideau dévoilant le décor d’une pièce de théâtre après les 3 coups.

  Ce mot apokalupsis comprend trois registres d’interprétation:

1 Mettre à nu

2 Révélation d'une vérité, instruction

3 Manifestation, apparence

  L'un des tous premiers textes du Nouveau Testament dans lequel ces mots apparaissent se trouve dans la lettre que Paul écrit aux Galates (1,11-17) :

«... Je vous le certifie, mes frères, la bonne nouvelle que j'ai annoncée pour ma part n'est pas simplement humaine, car moi-même je ne l'ai pas reçue ni apprise d'un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. (une révélation c'est en réalité le mot grec apokalupsis)

«...Mais quand il a plu à Dieu, qui m'a mis à part depuis le ventre de ma mère et qui m'a appelé par sa grâce, de révéler en moi son Fils ( révéler c'est en réalité le verbe grec apokaluptô).

  Pourtant, quand l'apôtre raconte sa conversion, la rupture radicale dans sa trajectoire de vie, le retournement de ses valeurs, il le fait en employant ces verbes qui signifient le dévoilement. Un chamboulement total, une apocalypse certes, mais une apocalypse qui n'est pas destruction et mort, mais au contraire ledévoilement d'une bonne nouvelle qui réoriente sa vie tout entière.

  On comprendra donc que le sens général et actuel attribué au mot apocalypse n’est pas du tout celui originellement compris et utilisé dans la Bible.

  Cependant les traducteurs français de la Bible ont préféré les mots révélation et révéler à apocalypse et au verbe qui aurait pu en découler.

  L'Apocalypse biblique telle décrite dans le dernier texte concluant la Bible à savoir «l’Apocalypse de Saint Jean» n'est donc la prédiction de la fin catastrophique du monde. On pourra plutôt y voir comme un appel à la dissidence et à la résistance confiante vis-à-vis des puissances de fascination du monde, comme la révélation que le combat valant la peine d'être mené, comme le dévoilement d'une victoire déjà remportée.

En conclusion, l'Apocalypse biblique serait plutôt la bonne nouvelle d'une espérance possible.